La Loi du 4 août 1994 : Un texte de référence

La Loi du 4 août 1994 sur l’emploi de la langue française s’inscrit dans une tradition nationale bien établie : les différents régimes qui se sont succédés au cours des siècles ont toujours considéré que la question de la langue relevait de l’État. Ce principe, qui a reçu récemment une consécration dans la Constitution, ne relève cependant pas d’une singularité française, et la période récente a vu nombre d’États, en particulier à l’occasion de leur indépendance retrouvée, se doter à leur tour d’une législation linguistique.

A. Une tradition française : La langue comme affaire d’État

En France, l’intervention de l’Etat en matière linguistique remonte au XVIe siècle.
C’est en effet à « l’ordonnance sur le fait de justice» d’août 1539, dite ordonnance de Villers-Cotterêts, que remontent, sous l’Ancien Régime, les prémices de notre législation linguistique’. Dans ses articles 110 et 111, elle énonce : « Afin qu’il n’y ait cause de doutes sur l’intelligence des arrêts de justice, nous voulons et ordonnons qu’ils soient faits et écrits si clairement, qu’il n’y ait, ni puisse avoir, aucune ambiguïté ni incertitude, ni lieu à demander interprétation ». « Et pour ce que de telles choses sont souvent advenues sur l’intelligence de mots latins contenus esdits arrests, nous voulons doresnavant que tous arrests, ensembles toutes autres procédures, soient de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures, soient de registres, enquestes, commissions, sentences, testaments et autres quelconques, actes et exploits de justice, ou qui en dépendent soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage maternel français et non autrement ». Ce texte, qui n’a été abrogé expressément ni explicitement par aucune autre disposition postérieure, doit être considéré comme toujours en vigueur.
En 1635, sous l’impulsion de Richelieu, Louis XIII créa l’Académie française, avec pour objectif de « rendre le langage français non seulement élégant, mais capable de traiter tous les arts et toutes les sciences ». L’Académie a continué jusqu’à aujourd’hui de jouer un rôle essentiel dans l’évolution de la langue française, tant par l’élaboration de son dictionnaire, que par les avis qu’elle rend sur les propositions de néologismes élaborées par les commissions de terminologie.
Sous la Révolution française, la Convention étend considérablement le champ d’application de la réglementation linguistique et l’assortit de sanctions sévères: un décret du 2 Thermidor An II dispose que « nul acte public ne pourra, dans quelque partie que ce soit du territoire de la République, être écrit qu’en langue française ». Toutefois, l’application de ce décret a été suspendue dès le 16 Fructidor et ce texte doit être considéré maintenant comme abrogé.
Le Consulat, à son tour, adopte, le 24 Prairial An XI (13 juin 1803), un arrêté qui, sous couvert d’imposer l’usage du français dans les territoires nouvellement conquis par la France, dispose en réalité pour l’ensemble du territoire national. Mais ce texte, moins ambitieux, n’était assorti d’aucune sanction, y compris à l’égard des agents publics qui n’en auraient pas respecté les prescriptions.
La Ve République a renoué avec cette tradition en créant successivement, en 1966, un Haut comité pour la défense et l’expansion de la langue française, et, en 1972, des commissions de terminologie placées auprès des administrations centrales. En outre, une loi du 31 août 1975, issue d’une proposition d’origine parlementaire et adoptée à l’unanimité, a imposé un premier ensemble de prescriptions linguistiques dans le souci principal d’assurer la protection du consommateur.

B. Une Loi qui fait autorité

La loi du 31 août 1975, dite « Bas-Lauriol », a eu le mérite d’ouvrir une voie novatrice. Mais la loi du 4 août 1994, qui a repris certaines des dispositions de sa devancière, présente par rapport à cette dernière un certain nombre d’atouts décisifs: adossée au statut constitutionnel de la langue française, elle bénéficie d’un champ d’application large qui lui permet d’embrasser les différents domaines où la défense de la langue est nécessaire et son dispositif est assorti de sanctions destinées à garantir son effectivité.

  1. Un adossement constitutionnel : La réforme opérée par la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 a consacré le statut constitutionnel de la langue française, « langue de la République », comme le rappelle désormais l’article 2 de notre loi fondamentale.
    Cette consécration fournit en quelque sorte un socle juridique solide auquel s’adosse la loi du 4 août 1994.
    Le Conseil constitutionnel doit assurer le respect de ce principe, tout en le conciliant avec les autres grands principes auprès desquels il prend place, comme par exemple celui de la liberté d’expression et de communication.
    La loi du 4 août 1994 confirme ce statut de la langue et rappelle dans son article premier que « Langue de la République en vertu de la Constitution, la langue française est un élément fondamental de la personnalité et du patrimoine de la France. », et qu’elle est « le lien privilégié des États constituant la Communauté de la francophonie ».
  2. Un champ d’application large : La loi du 4 août 1994 comporte un champ d’application particulièrement large. Posant dès son article premier le principe que le français est « la langue de l’enseignement, du travail, des échanges et des services publics », elle touche aux différents aspects de notre vie culturelle, économique et sociale où la défense de notre langue est nécessaire. Le français, langue des échanges : le souci de l’information du consommateur.
    Dans ce domaine, qui constituait déjà la préoccupation première de la loi de 1975 « Bas-Lauriol », – l’article 2 de la loi de 1994 impose l’usage du français dans la publicité et les échanges commerciaux. La rédaction de l’article 2 marque la volonté de couvrir l’ensemble du champ des échanges. Elle dispose en effet que « dans la désignation, l’offre, la présentation, le mode d’emploi ou d’utilisation, la description de l’étendue et des conditions de garantie d’un bien ou d’un produit, d’un service, ainsi que dans les factures et quittances, l’emploi de la langue française est obligatoire ». La circulaire du Premier ministre du 19 mars 1996 précise que cette obligation s’impose à « tous les documents destinés à informer le consommateur ou l’utilisateur », et en donne une liste non exhaustive. Elle ne dispense de cette obligation que « les factures et autres documents échangés entre professionnels, personnes de droit privé et étrangères, qui ne sont pas consommateurs ou utilisateurs finaux des biens, produits ou services ». L’information dans les lieux publics et les transports. – L’article 3 de la loi de 1994 impose le français dans la formulation de toute inscription ou annonce apposée ou faite sur la voie publique, dans un lieu ouvert au public ou dans un moyen de transport en commun, et qui est destinée à l’information du public.
    Le champ d’application de cette obligation est sensiblement plus étendu que dans la précédente loi du 31 décembre 1975. Cette dernière limitait en effet cette prescription linguistique aux seuls lieux appartenant à une personne publique, ou à une personne privée concessionnaire d’une mission de service public.
    La loi de 1994 soumet au respect de cette obligation l’ensemble des personnes privées et publiques propriétaires d’un lieu ouvert au public, mais prévoit des sanctions supplémentaires lorsque l’inscription fautive est apposée par un tiers utilisateur sur un bien appartenant à une personne morale de droit public. Le français, langue des services publics
    Les services publics sont soumis à des exigences particulières : – l’article 5 impose le français dans la rédaction des contrats auxquels sont parties une personne morale de droit public ou une personne privée exécutant une mission de service public ; – l’article 6 impose la mise en place d’un dispositif de traduction pour les colloques et congrès organisés par une personne morale de droit public ou par une personne privée chargée d’une mission de service public ; – l’article 7 impose aux publications, revues et communications diffusées en France, l’obligation de comporter au moins un résumé en français, dès lors qu’elles émanent d’une personne morale de droit public, d’une personne privée exerçant une mission de service public, ou d’une personne privée bénéficiant d’une subvention publique ; – l’article 14 interdit aux personnes morales de droit public et aux personnes privées chargées d’une mission de service public l’emploi d’une marque de fabrique, de commerce ou de service, constituée d’une expression ou d’un terme étranger dès lors qu’il existe une expression ou un terme français de même sens officiellement approprié.
    Différentes circulaires sont venues préciser ou compléter le dispositif de la loi pour rappeler que le français devait être la langue de l’administration et des services publics : – la circulaire du 12 avril 1994 du Premier ministre relative à l’emploi de la langue française par les agents publics rappelle que la langue est « un élément important de la souveraineté nationale et un facteur de la cohésion sociale ». Elle invite les agents publics à promouvoir son usage correct et son rayonnement, dans leurs activités en France, comme dans les instances internationales, pour que le français reste une langue de communication internationale de premier plan ; la circulaire du Premier ministre du 14 février 2003 est revenue sur les obligations particulières incombant aux agents publics dans le double souci d’assurer la présence du français sur le territoire national et d’affirmer la place du français sur la scène internationale; les obligations générales formulées par ce texte ont ensuite été délivrées pour chaque administration, par une série de circulaires ministérielles. Le français, langue des colloques et des congrès : L’article 6 de la loi de 1994 garantit à toute personne participant à une manifestation, à un colloque ou à un congrès organisé en France par des Français, le droit de s’exprimer en français.
    Elle impose également le français dans la rédaction des documents distribués aux participants pour en rese ter le programme ; les documents préparatoires, les documents de tramai es interventions ou les acte dis travaux doivent être accompagnés au moins d’un résumé en français. – Le français, langue de l’enseignement et de la recherche : Aux termes de l’article 11, le français est « la langue de l’enseignement, des examens, des concours, ainsi que des thèses et mémoires dans les établissements publics et privés d’enseignement» Des exceptions sont cependant prévues pour l’enseignement des langues étrangères, l’accueil des professeurs étrangers, les écoles étrangères et les établissements dispensant un enseignement international. L’arrêté du 18 janvier 1994 relatif à la création d’une procédure de co-tutelle de thèse entre établissements d’enseignement supérieur français et étrangers s’inscrit dans cette perspective. Il précise que la thèse préparée en co-tutelle est rédigée et soutenue dans l’une des langues nationales des deux pays concernés et qu’elle est complétée par un résumé dans l’autre langue, si les langues nationales des deux pays sont différentes. Dans tous les cas de figure, le doctorant est donc tenu de soutenir sa thèse ou d’en présenter le résumé en langue française. – Le français, langue de travail
    La loi « Bas-Lauriol » de 1975 comportait déjà des dispositions imposant l’usage du français dans la rédaction du contrat de travail et des offres d’emploi. Mais la loi du 4 août 1994 a renforcé et élargi ces exigences : elle impose le français, non seulement dans la rédaction du contrat de travail (article 8) et dans celle des offres d’emploi (article 10), mais également : dans celle du règlement intérieur et de tout document comportant des obligations pour le salarié, ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire à celui-ci pour l’exécution de son travail ; dans les conventions et accords collectifs du travail, et les conventions d’entreprise ou d’établissement (article 9). – Le français, langue de l’audiovisuel : L’article 12 de la loi a rendu obligatoire l’usage du français dans l’ensemble des émissions et des messages publicitaires des organismes et services de radiodiffusion sonore ou télévisuelle, tout en assortissant ce principe d’exceptions, que commande le bon sens, en faveur des œuvres cinématographiques, audiovisuelles, ou musicales en version originale étrangère, et des programmes dont la finalité est l’apprentissage d’une langue.
  3. Un dispositif équilibré et apprécié dans l’opinion
    Le dispositif de la loi du 4 août 1994 est marqué par le souci de concilier la défense de la langue française avec d’autres impératifs. Cette volonté d’équilibre a contribué à asseoir l’autorité de la loi, et à faciliter l’acceptation de son dispositif. – Une position ouverte à l’égard des traductions : Tout en imposant l’emploi du français, de nombreuses dispositions de la loi autorisent très libéralement la présentation conjointe de traductions. Ainsi, les prescriptions linguistiques relatives aux échanges commerciaux et aux informations dans les transports et lieux publics autorisent la présentation conjointe d’une ou plusieurs traductions sous la seule réserve que la présentation en français soit aussi lisible, audible ou intelligible que la présentation en langue étrangère. Cette précaution, dont votre rapporteur souhaiterait que le respect soit plus systématiquement assuré, a pour objet de décourager des tentations récurrentes de contourner l’esprit de la loi en exilant le texte français dans une partie reculée de l’affiche ou en lui attribuant une police de caractères trop discrète. Les prescriptions relatives au monde du travail prévoient également la possibilité d’assortir le règlement intérieur ou le contrat de travail de traductions en une ou plusieurs langues étrangères. La loi impose aux seules personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé exerçant une mission de service public une exigence particulière: les traductions en langues étrangères de leurs annonces doivent être au moins au nombre de deux de façon à garantir un minimum de multilinguisme. Dans plusieurs cas de figure, comme par exemple celui des colloques ou celui des publications, la loi accepte que des documents, des communications ou des revues soient délivrés en langue étrangère, et borne ses exigences à la présentation d’un résumé en français. Des exigences proportionnées à leur objectif Les prescriptions de la loi sont proportionnées à leurs objectifs de protection des consommateurs, d’information du public ou de défense des salariés.
    Le dispositif de la loi lui-même prévoit un certain nombre de situations dans lesquelles les exigences linguistiques cèdent le pas devant d’autres intérêts : les nécessités de l’enseignement et en particulier celui des langues étrangères et des langues régionales, ou encore celles des écoles étrangères ou des enseignements internationaux ; la liberté d’expression et de communication, en particulier à l’occasion de la diffusion d’œuvres étrangères en langue originale ; les nécessités du commerce international qui dispensent certains établissements publics et notamment la Banque de France et la Caisse des dépôts, de rédiger en français les contrats destinés à être exécutés intégralement hors du territoire national. L’examen par le Conseil constitutionnel : Le texte de la loi du 4 août 1994 tel qu’il a été adopté et voté par le Parlement reflétait un souci sincère d’équilibre entre la défense de notre langue et les exigences posées par nos grands principes constitutionnels.
    Dans sa décision n° 94-345 du 29 juillet 1994, le Conseil constitutionnel a cependant censuré certaines de ses dispositions. *Il s’agit tout d’abord de toutes celles qui prévoyaient que « le recours à tout terme étranger ou à toute expression étrangère est prohibé lorsqu’il existe une expression ou un terme français de même sens approuvé dans des conditions prévues par les dispositions réglementaires relatives à l’enrichissement de la langue française ».
    Ces dispositions figuraient au deuxième alinéa de l’article 2 (présentation des biens et services), à l’article 3 (inscriptions sur la voie publique et dans les transports), à l’article 8 (contrat de travail, à l’article 9 (rédaction de règlement intérieur et des documents comportant des obligations pour le salarié), à l’article 10 (offres d’emploi), et à l’article 12 (émissions et messages publicitaires radiodiffusés et télévisés).
    Le Conseil les a censurées, comme contraires à la liberté de pensée et d’expression proclamée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, estimant que le législateur ne pouvait « imposer à des personnes privées, l’obligation d’user, sous peine de sanctions, de certains mots ou expressions définies par voie réglementaire sous forme d’une terminologie officielle ».
    Le Conseil a relevé en outre, que les dispositions des articles 2, 3, 8, 9 et 10 précités n’opéraient aucune distinction entre, d’une part, les personnes morales de droit public et les personnes morales de droit privé dans l’exercice d’une mission de service public, et d’autre part, les autres personnes privées, et que, eu égard au caractère indissociable de leur formulation, elles devaient être déclarées dans leur ensemble contraires à la Constitution. Le Conseil a également censuré les dispositions de l’article 7 subordonnant « l’octroi par une personne publique de toute aide à des travaux d’enseignement et de recherche à l’engagement pris par les bénéficiaires d’assurer une publication ou une diffusion en français de leurs travaux, ou d’effectuer une traduction en français des publications en langue étrangère auxquelles ils donnent lieu, sauf dérogation accordée par le ministre de la recherche. » Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition en considérant
    qu’elle imposait « aux enseignants et chercheurs, qu’ils soient français ou étrangers, des contraintes de nature à porter atteinte à l’exercice de la liberté d’expression et de communication dans l’enseignement et la recherche. » Il a considéré que la faculté d’accorder des dérogations conférées au ministre de la recherche ne constituait pas une garantie suffisante pour préserver cette liberté dans la mesure où elle n’était assortie « d’aucune condition relative notamment à l’appréciation de l’intérêt scientifique et pédagogique des travaux ». Votre rapporteur, comme de nombreux autres observateurs, s’était alors étonné de la sévérité du juge constitutionnel. Il avait en particulier eu le sentiment qu’imposer l’usage de mots français quand ils existaient, en lieu et place de vocables étrangers, ne revenait pas à imposer l’usage d’une terminologie officielle mais relevait du simple respect de notre langue. Le contrôle peut-être un peu pointilleux auquel s’est livré le Conseil a du moins le mérite de montrer que la loi de 1994 a fait l’objet d’un examen vigilant, et que le texte qui a finalement été promulgué est irréprochable au regard de nos principes constitutionnels. – Une loi dont l’utilité est pleinement reconnue :
    L’utilité de la loi est maintenant pleinement reconnue et ses dispositions font l’objet d’un large consensus qui transcende les sensibilités politiques.
    Un sondage réalisé en février 2000 par la SOFRES, à la demande de l’Association Force ouvrière Consommateurs sur l’utilisation de la langue française dans l’étiquetage et les modes d’emploi des produits destinés à la consommation, en ont apporté la confirmation : 93% de personnes interrogées trouvaient ces dispositions très ou assez utiles, et cette proportion était identique chez les sympathisants de droite et de gauche; cette proportion montait à 98% pour les cadres et les professions intellectuelles ; 77% des sondés ont répondu non à la question de savoir s’ils
    trouvaient la loi rétrograde et peu adaptée à la mondialisation ; 86% des personnes interrogées ont estimé que le français devait rester obligatoire dans l’étiquetage et les modes d’emploi.
  4. Un régime de contrôles et de sanctions destinés à garantir l’application de la loi
    La loi « Bas-Lauriol » de 1975 péchait par un régime de sanctions lacunaire et mal adapté qui n’a pas favorisé son application et son respect effectifs.
    Le législateur de 1994 s’est efforcé de remédier à ces faiblesses en assortissant le dispositif de la nouvelle loi d’un régime de sanctions diversifiées, et de modalités de contrôles originales.
    Pour marquer l’intérêt public qui s’attache à la défense de la langue française sur notre territoire, il a en outre précisé, dans l’article 20, que les dispositions de la loi de 1994 étaient d’ordre public. Les règles qu’elle édicte sont ainsi clairement affirmées comme relevant de l’intérêt général, leur observation s’impose à peine de nullité absolue et le code civil interdit que l’on y déroge par des conventions particulières. Une diversification des sanctions applicables En matière contractuelle, que ce soit dans la rédaction des contrats signés avec des personnes morales de droit public, dans celle des contrats de travail, des conventions et accords collectifs de travail ou des conventions d’entreprise ou d’établissement, l’inobservation des règles linguistiques emporte l’inopposabilité relative du contrat. En matière de droit du travail, et à l’exception des actes contractuels visés ci-dessus, le respect des prescriptions linguistiques est confié à l’inspecteur du travail, qui peut, à tout moment exiger le retrait ou la modification du règlement intérieur ou du document incriminé.
    L’article 15 subordonne l’octroi de subventions publiques au respect des prescriptions linguistiques de la loi, et envisage, en cas de manquements, la possibilité de leur restitution totale ou partielle. Enfin, les personnes publiques d’un bien sur lequel une inscription fautive aura été apposée, peuvent retirer l’usage du bien au contrevenant.
    Enfin, les infractions aux dispositions des articles 2 (publicité et transactions commerciales), 3 (inscriptions et annonces dans un lieu public), 4 (présentation respective des mentions en langue française et en langues étrangères) 6 (organisation de colloques) et 9 (documents destinés aux salariés) sont assorties de sanctions pénales et assimilées par le décret n° 95-240 du 3 mars 1995 à des contraventions de la 4è classe, punies d’une amende maximale de 750 euros. Le juge peut en outre adresser à la personne fautive l’injonction de se mettre en conformité avec la loi, et assortir cette injonction d’une astreinte. – Le droit des associations d’ester en justice : La consécration, par l’article 19 de la loi, de la possibilité pour les associations de défense de la langue française d’exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne certaines infractions à la législation linguistique, participe également de la volonté d’assurer le respect effectif de la loi.
    Ce droit, pour les associations, d’ester en justice, peut s’exercer à l’encontre des infractions aux dispositions des textes pris pour l’application des articles 2 (publicité et transactions commerciales), 3 (inscriptions et annonces dans les lieux publics), 4 (présentation des textes français et étrangers), 6 (organisation de colloques), 7 (publications et revues) et 10 (offres d’emplois). Actuellement, trois associations ont reçu l’agrément ministériel nécessaire pour exercer ce droit. Il s’agit de : – l’Association francophone d’amitié et de liaison (AFAL) ; – l’Avenir de la langue française (ALF) ; – la Défense de la langue française (DLF). – Le constat des infractions aux dispositions relatives à la publicité et aux transactions commerciales :
    L’article 16 de la loi du 4 août 1994 prévoit une procédure particulière pour la constatation des infractions aux textes pris pour l’application de l’article 2, relatif à la publicité et aux transactions commerciales.
    Elle confie la recherche et la constatation de ces infractions, outre aux agents et officiers de police judiciaire, à certains agents publics, et notamment aux agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et de la Direction générale des douanes et droits indirects.
    La loi définit en outre très précisément les pouvoirs dévolus à ces agents et la portée des contrôles qu’ils sont amenés à opérer.

C. UNE PRÉOCCUPATION PARTAGÉE PAR UN NOMBRE CROISSANT D’ÉTATS


Si la loi du 4 août 1994 s’inscrit dans notre tradition nationale qui assigne à l’Etat une responsabilité particulière en matière de défense de la langue française, cette préoccupation linguistique n’est pas pour autant le monopole de notre pays. D’autres Etats se sont également dotés d’une législation relative à l’emploi de leur langue et leur nombre tend d’ailleurs à augmenter régulièrement, en particulier dans les pays qui ont accédé à une pleine indépendance au lendemain de la chute des régimes communistes européens.

1 – La charte de la langue française au Québec: un exemple à méditer :


Le Québec a une longue tradition en matière de défense de la langue française et de son emploi dans la « Belle province ». Dès 1910, une loi « Lavergne» a imposé l’usage du français et de l’anglais dans les titres de transport de voyageurs et dans les autres documents fournis par les entreprises d’utilité publique. Une loi de 1967 a par la suite rendu obligatoire l’étiquetage en français des produits agricoles.
C’est en 1969 qu’à été adopté le premier texte de portée générale : « la loi pour promouvoir le français au Québec » comportait notamment des dispositions consacrant le statut du français comme langue du travail, comme langue prioritaire dans l’affichage public, et comme langue d’usage dont l’enseignement est obligatoire dans le réseau scolaire anglophone. La « charte de la langue française » qui lui a succédé en 1977 a été remaniée et complétée à plusieurs reprises.
Elle dispose, dans son article 1°, que « le français est la langue officielle du Québec ».
De ce statut découlent un certain nombre de droits linguistiques fondamentaux reconnus aux usagers de l’administration, de l’enseignement et des services sociaux, ainsi qu’aux consommateurs.
Les cent premiers articles regroupés en chapitres distincts consacrent le français comme langue de la législation et de la justice, langue de l’administration, langue des organismes parapublics, langue du travail, langue du commerce et des affaires ou encore langue de l’enseignement.
Certaines de ces dispositions sont très proches de celles de la loi française.
C’est le cas par exemple des articles 41 et 43 qui rendent obligatoires l’usage du français dans la rédaction des offres d’emploi, des conventions collectives et des communications adressées par un employeur à ses salariés, ou encore de nombre de dispositions relatives au commerce, qui imposent le français dans les inscriptions et modes d’emploi relatifs à un produit (article 51), dans les catalogues et brochures (article 52), dans les contrats d’adhésion (article 55), dans l’affichage et la publicité commerciale (article 58).
D’autres dispositions formulent en revanche des exigences originales actuellement méconnues de notre droit, comme par exemple l’article 63 (« Le nom d’un entreprise doit être en langue française »), l’article 64 (« Un nom en langue française est nécessaire à l’obtention de la personnalité juridique »), l’article 65 (« Les noms qui ne sont pas en langue française doivent être modifiés avant le 31 décembre 1980… »), l’article 66 (« Les articles 63, 64 et 65 s’appliquent également aux noms déclarés au registre constitué en vertu de la loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales »). La charte autorise cependant les entreprises à faire figurer, « comme spécifiques», dans leur nom, des patronymes et des toponymes formés de la combinaison artificielle de lettres, de syllabes ou de chiffres, ou des expressions tirées d’autres langues (article 67), ou encore à assortir leur nom d’une version dans une autre langue que le français pourvu que, dans son utilisation, le nom de langue française figure de façon au moins aussi évidente.
A ces prescriptions linguistiques proprement dites, s’ajoutent plusieurs dispositions d’ordre institutionnel précisant la composition et les attributions de « l’Office québécois de la langue française », du « Conseil supérieur de la langue française» ou encore de la « Commission de toponymie ».