La Légion d’Honneur dans les pays francophones

La plus haute distinction française a toujours eu beaucoup de prestige dans les pays francophones. La France coloniale en avait fait un moyen – parmi d’autres – parfois durement utilisé, mais qu’elle avait fini par convaincre de l’accompagner dans son projet de modernisation. Elle en a fait aussi un moyen de reconnaissance pour services rendus : de nombreux enseignants, médecins, ingénieurs, militaires et anciens combattants, fonctionnaires de tous ordres, chefs coutumiers, chefs religieux musulmans et chrétiens l’ont reçue – au cours de cérémonies à l’occasion desquelles le récipiendaire était mis à l’honneur – et l’ont arborée en permanence tout au long de leur vie.

Abdou Diouf, Secrétaire général de la Francophonie.

L’indépendance venue, on aurait pu croire que l’attractivité de la Légion d’Honneur aurait faibli et ne serait plus susceptible de revêtir la valeur qu’elle avait acquise dans le passé. Il n’en a rien été, même si les conditions de son attribution avaient changé par la force des choses. Aujourd’hui, donner la Légion d’Honneur signifie à celle ou celui qui la reçoit une reconnaissance pour la relation particulièrement amicale et empreinte d’efficacité qu’elle ou lui entretient avec la France. Certes, il ne faut pas occulter la valeur protocolaire qui, dans le cadre d’une bonne diplomatie, conduit le Président de la République française à conférer à de hautes autorités étrangères, parfois dans une dignité élevée, la prestigieuse décoration. Élever à la dignité de Grand Croix un homme comme Léopold Sédar Senghor dépasse cependant de loin son statut de Président de la République du Sénégal : le chantre de la Négritude n’était-il pas celui de la langue française dont il était amoureux et de la Francophonie dont il fut le père avisé ? En signant le décret qui honorait le Sénégal à travers son premier Président, le Général de Gaulle avait certainement à l’esprit la dimension politique et intellectuelle de Senghor, mais aussi la relation historique et multiséculaire du Sénégal et de la France qui s’exprima à deux reprises par le sang versé des « tirailleurs sénégalais » qui étaient aussi d’Afrique, morts pour elle et la Liberté.