La francophonie est au cœur de la COP 21 !

Annick Girardin, Secrétaire d’État au Développement et à la Francophonie, auprès du Ministre des Affaires étrangères et du Développement international.

Quel serait pour vous un succès, un échec ou un demi-échec lors de la COP 21 et quel est votre rôle par rapport au ministère ?

La mission, qui m’a été confiée par le Président de la République est de dialoguer avec les pays les plus vulnérables sur les questions climatiques. L’Afrique, d’une part, touchée à la fois par la déforestation, les inondations et la montée des eaux et les États insulaires, dont certaines îles sont menacées de disparition. Certes, le texte de la résolution sera important et nous voulons un accord ambitieux et contraignant, mais il y a aussi les réponses concrètes que nous devons apporter. La France a pris l’initiative de deux fortes ambitions ; la première étant à destination de l’Afrique pour l’électrification de ce continent à partir d’énergies renouvelables. Et c’est l’Égypte qui porte ce projet et l’emmènera jusqu’à Paris avec le soutien du G7.

Vous travaillez en relation avec Jean-Louis Borloo sur ce projet ?

Tout à fait ! Le constat de Jean-Louis Borloo est largement partagé, il circulait déjà lors du Sommet de Copenhague. C’est un constat réaffirmé. Maintenant, il s’agit d’y répondre à l’échelle. Nous avons, avec l’Agence Française de Développement, déjà soutenu un certain nombre de projets liés aux énergies renouvelables en Afrique.

En quoi consiste la deuxième initiative ?

Je porte, au nom de la France, la mise en place de systèmes d’alertes précoces aux catastrophes naturelles. Cela part d’un constat simple : il y a une vraie disparité d’informations sur les catastrophes climatiques. Par exemple lors du cyclone Hayan, si les Philippins avaient pu recevoir à l’avance une information leur permettant de savoir où se protéger, un grand nombre de morts auraient certainement pu être évités. À l’inverse, au Vanuatu, qui dispose d’un système d’alerte perfectionné, il y a eu beaucoup moins de morts, alors que le dernier cyclone était l’un des plus forts de l’histoire du Pacifique. En Afrique, 50% du territoire n’est pas couvert par les prévisions météo ! Les conséquences sont graves, à la fois pour les populations côtières, mais aussi pour les paysans, qui ne peuvent anticiper les pluies ou les vagues de sécheresse. Enfin, mon rôle est aussi lié à la francophonie et au développement de « l’Afrique des Solutions ». Je constate qu’au niveau local, des solutions très concrètes existent. Les exemples ne manquent pas : au Burkina Faso, avec les foyers améliorés ; au Sénégal, les initiatives sur la mangrove ; au Niger, sur la restauration des terres ; en Éthiopie, avec la mise en place de fermes éoliennes… C’est pour répondre à ces besoins que j’ai plaidé pour l’installation d’un Pavillon « Afrique » et un Pavillon « États insulaires » à la Conférence Paris Climat 2015, pour que ces pays soient entendus.

Qu’en est-il de la francophonie lors de la Conférence de Paris ?

La Francophonie est l’autre versant important de ma mission. Je l’ai constaté à Lima, où certains États africains ou insulaires ne pouvaient pas négocier dans leur langue ! C’est pourquoi, je me suis battue pour que tous les supports, et je ne parle pas seulement des supports officiels, soient traduits en français. Avec l’OIF, je me bats également pour renforcer la présence du français, car nous devons être exemplaires lors de cette conférence à Paris. Tous les événements doivent être traduits. À Lima, à la COP 20, les réunions bilatérales ou en marge n’avaient pas d’interprètes ! Cette année, ce sera différent. Le français est une langue que nous avons en partage. Il faut la défendre partout !

En France dans certaines entreprises, la Loi Toubon est-elle assez appliquée ?

En mars dernier, j’ai voulu interpeller le public sous la forme d’un courrier au monde professionnel pour montrer combien les anglicismes ont envahi nos discours écrits ou parlés. Et cela ne concerne pas seulement l’entreprise, mais aussi la fonction publique ! C’est l’ensemble du monde du travail qui est concerné. Les Français ne sont pas suffisamment conscients qu’ils sont chargés de défendre leur langue. Ils ne se rendent pas compte qu’ils la dévalorisent, alors même qu’elle demeure très attractive à l’étranger. J’en veux pour preuve que l’apprentissage du « Français Langue Étrangère » (FLE) est depuis 2010 en progression constante au niveau mondial (+6,5%). Quand on vient d’un territoire comme le mien, entouré d’anglophones, on mesure la richesse du français. Cela ne veut pas dire de ne pas pratiquer d’autres langues ou de ne pas être bilingue, mais défendre la sienne est trop souvent considéré en métropole comme « ringard ». Le Français ne se rend pas compte qu’il incite les internationaux à ne plus apprendre le français. Cette pratique de l’anglicisme touche même les différents ministres et j’ai dû rappeler, y compris à mes collègues, qu’il serait préférable que publiquement un ministre français s’exprime en français, sauf à dire quelques mots de politesse ! D’où vient cette idée qui consiste à penser que, dès qu’il y a deux personnes dans une salle qui ne parlent pas français, il faut parler en anglais ? Je m’insurge contre cette dictature de l’Anglais. Nous sommes 80 pays francophones, on peut inciter davantage à l’utilisation du français, que je mets pas en opposition avec d’autres langues.

La dernière étude du WWF mentionne que la moitié des espèces marines aura disparu dans 40 ans. Peut-on encore éviter un tel désastre ?

Bien sûr, Paris Climat 2015 ne pourra pas tout résoudre, mais elle peut apporter des solutions concrètes sur la question des océans. Je pense aux énergies marines, à la gestion du littoral pour faire face aux impacts du climat. Le Fonds vert va intervenir pour protéger les zones côtières. La France a le deuxième domaine maritime du monde : elle a une responsabilité particulière dans ce domaine. De nombreuses entreprises travaillent sur les énergies marines, qui sont souvent encore coûteuses, mais qui sont aussi très prometteuses. La Conférence climat doit servir à accélérer la recherche et le développement de ces technologies. Nous avons des champions français dans ce domaine et les outremers sont de fabuleux territoires d’expérimentation. Enfin, la recherche française, qu’il s’agisse de l’Ifremer, de l’IRD, est aussi une richesse à partager : par exemple sur la protection des coraux face au risque de blanchiment.

Propos recueilis par Patricia de Figueirédo