le 20 mars 2006, au Sénat
Madame la Ministre de la Défense, Monsieur le Ministre des Affaires étrangères, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Représentants des Corps Diplomatiques, Monsieur le Vice-Président du Sénat, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Madame et Monsieur le Conseiller d’État, Monsieur le Chancelier des Universités, Monsieur le Bâtonnier, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs,
En cette Journée internationale de la Francophonie, je suis heureux de voir réunies au sein de la Haute Assemblée tant de personnalités venant d’horizons divers, illustration parfaite de ce qu’est la francophonie aujourd’hui. Notre langue, pratiquée officiellement dans 29 pays par 710 millions de personnes, est celle des droits de l’homme. Sa force ne réside pas seulement dans sa musicalité ni dans sa concision, mais dans la puissance avec laquelle le français saisit le réel pour le penser, le clarifier et le transformer. Cet effort herculéen se manifeste également dans les sciences naturelles, l’histoire, l’art oratoire et le droit, expliquant ainsi l’universalité du français. Langue de la diplomatie, idiome de l’Europe éclairée, presque seconde langue nationale dans la Russie impériale, la francophonie est une richesse mondiale.
Tous ceux qui parlent français ont en commun les trésors d’une culture exceptionnelle. Cette richesse et cette pluralité sont reconnues par divers organismes qui identifient, inventorient et quantifient cette entité francophone, donnant ainsi lieu à des colloques, des études et des manifestations, ce dont je me réjouis.
Mais pourquoi alors créer un Haut Comité National de la Francophonie ? Les raisons ne manquent pas, mais je tiens avant tout à revenir sur un point. En effet, la langue, la culture et la civilisation françaises dépassent largement les clivages idéologiques, politiques, sociaux et culturels. La francophonie nous appartient à tous. Elle a pour vocation, comme l’a souligné le Président de la République, « d’appeler toutes les autres langues du monde à se rassembler pour faire en sorte que la diversité culturelle, qui résulte de la diversité linguistique, soit sauvegardée ». Au-delà du français, il nous faut lutter contre l’étouffement des diverses cultures par une langue unique.
Pour revenir sur les missions de notre Haut Comité, rappelons tout d’abord que la francophonie est « éclatée », car bien qu’il existe des institutions qui lui sont vouées, chacune a trait à un domaine spécifique. Il importe donc de rassembler les propositions et d’assurer un relais auprès des pouvoirs publics afin de faire entendre concrètement la voix de ceux qui ont des idées mais ne savent pas forcément comment les transmettre au monde politique. Le Haut Comité National de la Francophonie a commencé la rédaction d’un livre blanc, qui sera remis au Président de la République et rédigé par des personnalités politiques, économiques et culturelles, françaises et étrangères, plaçant ainsi la francophonie au cœur de leur action.
Par ailleurs, il s’agit également de « dépoussiérer » l’image de la francophonie, trop souvent connotée et assimilée, à tort, à un repli. Le Haut Comité est en passe de concrétiser l’un de ses premiers projets : rassembler puis envoyer à destination des pays francophones des livres et revues en langue française. La France doit répondre à la demande de ses amis. La francophonie doit se positionner comme une alternative à la suprématie anglo-saxonne, et pas seulement sur Internet. Est-il normal, notamment au sein de la Commission européenne, de constater que tous les textes ne sont plus traduits en français ? Ce n’est pas seulement la voix de la France, mais celle de tous ceux qui parlent français qu’il faut entendre !
La francophonie est une passerelle solide pour créer un vaste espace de solidarité et de partage. Il nous faut la faire vivre. La seconde mission du Haut Comité se situe sur notre propre territoire. La francophonie est multiple et constitue un outil d’intégration auquel le Haut Comité est particulièrement attaché. La loi Toubon doit être appliquée ! Il est inadmissible que des instructions internes soient données dans notre pays dans une langue qui n’est pas la nôtre.
Lors d’un dîner à la Maison du Barreau à Paris, en présence de Madame la Conseillère d’État et de personnalités du monde juridique, j’ai entendu avec intérêt que la place du droit français à l’international était importante et devait être promue. Il convient donc de le défendre aussi chez nous. En France, notre langue semble être quotidiennement prise en étau : d’un côté, un parler destructuré qui ne respecte pas l’essence de notre langue ; de l’autre, un jargon de bureau, sorte d’anglais de base, qui blesse autant la langue de Shakespeare que celle de Molière. Au final, la pauvreté du langage interdit toute véritable pensée.
Alain Peyrefitte disait que « la francophonie commence à l’école ». C’est à l’école qu’elle apprend à s’accorder avec toutes les formes, les références et les valeurs d’une humanité très ancienne. Il existe des écoles françaises au Chili ou en Bulgarie, tout comme dans nos banlieues difficiles et nos beaux quartiers. Sous toutes les latitudes, on y apprend à s’inscrire dans une histoire qui est l’antithèse de la nostalgie, dans une communauté qui est l’opposé d’un ghetto.
En ce jour de la francophonie, il convient d’affirmer haut et clair à toute notre jeunesse qu’il ne peut y avoir qu’une seule communauté en France : la communauté nationale. Celle qui nous unit tous, sans distinction d’origine ou de race. Le lien tangible d’appartenance à cette communauté est la langue française et la culture qu’elle véhicule.
La francophonie doit s’imposer. La langue constitue le socle culturel et social de la République, une et indivisible. Elle assure le lien entre les générations et les différentes classes sociales. Il n’y a pas d’intégration sans maîtrise de la langue.
Loin d’être une préoccupation secondaire, la Francophonie est un enjeu et un défi. « La Francophonie sera subversive et imaginative ou ne sera pas ! » disait Boutros Boutros-Ghali, Secrétaire général égyptien des Nations Unies. Quelle meilleure définition donner de la feuille de route du Haut Comité National de la Francophonie !
Qu’il me soit permis, pour conclure, de remercier notamment :
- Madame Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense ;
- Monsieur Philippe Douste-Blazy, ministre des Affaires étrangères ;
- le Président du Sénat, Christian Poncelet, représenté par le sénateur Adrien Gouteyron, Vice-Président du Sénat ;
- le Premier ministre, Monsieur Jean-Pierre Raffarin ;
- le Président de la Commission des Affaires culturelles, Jacques Valade ;
- le Rapporteur général du Budget, Philippe Marini ;
- le Président du groupe RDSE, Jacques Pelletier ;
- mon amie Françoise de Panafieu ;
- ainsi que les 41 ambassadeurs et représentants des corps diplomatiques qui nous ont fait l’amitié d’être présents parmi nous ce soir.
Merci enfin à chacune et à chacun d’entre vous d’avoir témoigné de votre attachement à la francophonie par votre présence.