La francophonie face à son avenir

Par S.E Uch KIMAN, Ambassadeur du Cambodge

La famille francophone ne cesse de s’agrandir et ses institutions s’améliorent à la mesure de ses responsabilités pour mieux s’adapter aux changements qui s’opèrent dans les autres parties du monde.

Le Cambodge appartient « naturellement » à cette grande famille francophone éparpillée dans le monde, contrairement à son appartenance à l’ASEAN, une association régionale dont les membres sont ses voisins immédiats et dont la langue de travail est l’anglais. Il y a un risque potentiel que le français perde de la vitesse face à la pratique plus courante de l’anglais. Cependant, le français demeure un atout supplémentaire, un patrimoine culturel hérité de l’histoire du Cambodge liée à la France, et il convient de rendre hommage à Sa Majesté le Roi-Père Norodom Sihanouk, l’un des co-fondateurs de la Francophonie.

Le Cambodge a eu par la suite l’honneur d’être représenté au Haut Conseil de la Francophonie par son fils, Norodom Sihamoni, alors Ambassadeur auprès de l’UNESCO, avant de monter sur le Trône en 2004. Il est évident que l’apprentissage du français se faisait principalement à l’école comme langue vivante, aux côtés de la langue cambodgienne, pratiqué surtout dans les grandes villes et par les élites. Il servait également de langue de travail dans les correspondances administratives jusqu’à une date récente.

Pendant les années sombres du régime sanguinaire et obscurantiste de Pol Pot, toute forme de comportement bourgeois, toute référence à un savoir scientifique, voire même à une langue étrangère, était considérée comme un crime antirévolutionnaire. À la fin de ce régime paranoïaque, toute la classe moyenne et l’élite, une génération entière de personnes éduquées, ont été physiquement éliminées lors d’une chasse aux sorcières systématique.

Grâce à la résilience d’une nation de survivants, la soif de savoir et d’éducation pour rattraper les années perdues n’a pas cédé aux difficultés alimentaires ni au désespoir collectif d’un pays en ruines. Rapidement et spontanément, sans aide étrangère, des cours privés et des classes de français et d’anglais ont fleuri comme des champignons ! Des efforts considérables ont été déployés pour redonner vie à ce patrimoine culturel et éviter qu’il ne s’estompe avec le temps. Mais a-t-on fait suffisamment pour répondre à nos aspirations, à nos attentes ? La réponse n’est pas évidente. Au fil des ans, au gré des grandes conférences internationales et des sommets successifs, face aux défis croissants de la mondialisation, nous devons nous demander : la grande famille francophone dispose-t-elle de la capacité et des moyens adéquats, conformément à ses engagements, pour traiter les multiples problèmes de la planète sans négliger ses membres les plus vulnérables, qui représentent pourtant la majorité ?